Tariq Ramadan sera jugé pour viols sur trois femmes après le rejet de ses pourvois
Emblématique de l’ère #MeToo, l’affaire Tariq Ramadan sera jugée par la cour criminelle départementale de Paris: la Cour de cassation a rejeté mercredi les pourvois de l’islamologue suisse et définitivement acté son renvoi en procès pour des viols sur trois femmes qu’il conteste.
A l’issue d’une audience mercredi matin, la plus haute juridiction judiciaire française n’a pas admis les pourvois de M. Ramadan, qui contestait les accusations. La défense de M. Ramadan n’a pas commenté dans l’immédiat.
Le 27 juin, la cour d’appel de Paris avait ordonné un procès pour M. Ramadan pour un viol aggravé sur une femme et deux viols sur deux autres.
L’islamologue et une quatrième femme, Mounia Rabbouj, avaient formé des pourvois antagonistes, le premier demandant un non-lieu général, la seconde l’ajout de ses accusations rejetées par la cour d’appel.
A l’audience de mercredi, le conseiller rapporteur comme l’avocat général ont prôné la non-admission de ces pourvois, une procédure qui permet d’écarter rapidement les recours non sérieux ou irrecevables.
Les deux magistrats ont notamment estimé que ces requêtes tendaient à remettre en cause l’appréciation de fond de la chambre de l’instruction, alors que le rôle de la Cour de cassation se borne à vérifier l’absence d’erreur de droit.
Aucun avocat, en défense de M. Ramadan ou à l’appui de Mme Rabbouj, n’a défendu oralement ses observations écrites.
Le 7 juillet 2023, après six ans d’enquête, deux juges d’instruction avaient ordonné ce renvoi de M. Ramadan pour des viols sur Christelle (prénom d’emprunt), Henda Ayari, Mounia Rabbouj et une quatrième femme.
« Ma cliente est satisfaite de la décision de la chambre criminelle et donne un rendez vous judiciaire à M. Ramadan devant la cour criminelle », a réagi Me David-Olivier Kaminski, avocat de Mme Ayari, sollicité par l’AFP.
– « Brutalité » –
Dans son arrêt du 27 juin dont l’AFP a eu connaissance, la cour d’appel avait écarté le cas de Mme Rabbouj, et pris sur le fond le contrepied des magistrates instructrices et de l’enquête, qui s’était focalisée sur l’emprise.
Cette notion débattue, « au sens d’un stratagème aboutissant à la privation nécessairement totale du libre arbitre, ne paraît pouvoir être retenue à aucun stade de la relation » entre M. Ramadan et les parties civiles « puisque même après les faits, les femmes ont rapidement entrepris un combat pour se venger et pour éviter qu’il y ait d’autres victimes », ont indiqué les juges d’appel.
Pour ces magistrats, c’est au contraire « la violence qui est principalement mise en avant dans les différents récits » des victimes.
Si les juges estiment n’avoir pas obtenu de preuves matérielles des violences dénoncées par les parties civiles, ils actent la « violence » de M. Ramadan dans les rapports sexuels, qui « dépassait ce qu’une femme pouvait raisonnablement accepter » et dépassait aussi ce qui avait pu être convenu entre M. Ramadan et ces femmes lors des échanges ayant amené aux relations, entre 2009 et 2016.
Les juges d’appel ont écarté le cas de Mounia Rabbouj, qui avait dénoncé neuf viols commis entre 2013 et 2014.
Si l’ex-escort girl « a pu être subjuguée par M. Ramadan et son aura internationale, (son) comportement ne peut être considéré comme celui d’une femme privée de son libre arbitre ». Elle « ne manifestait aucune réticence et continuait délibérément à entretenir les fantasmes de M. Ramadan ».
Dans cette procédure très médiatisée et emblématique de l’ère #MeToo, les plaignantes ont en effet décrit des relations sexuelles particulièrement brutales.
Le récit de Mounia Rabbouj, qui avait présenté une robe tachée du sperme de l’islamologue, avait contraint l’intellectuel, qui l’avait d’abord nié, à admettre mi-2018 l’existence de relations adultères avec elle et d’anciennes maîtresses, empreintes « de domination », rudes mais « consenties », un tournant majeur dans ce dossier.
En Suisse, le prédicateur a été condamné fin août à trois ans de prison dont un ferme, pour viol et contrainte sexuelle en 2008. Ses avocats ont saisi le Tribunal fédéral suisse, cour suprême de la Confédération.