La pression exercée par les Etats-Unis et les Européens pour que le premier ministre indien, Narendra Modi, amende sa position vis-à-vis de la Russie, dont il se refuse à condamner l’invasion en Ukraine, n’a que peu d’effets sur la position de New Delhi : les Indiens ignorent les menaces de sanctions brandies par les Occidentaux et poursuivent des négociations commerciales avec les Russes.

Le ministre des affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov, vient de passer deux jours dans la capitale indienne, le 31 mars et le 1er avril. Il y a été reçu non seulement par son homologue indien, Subrahmanyam Jaishankar, mais aussi par Narendra Modi lui-même, qui lui a consacré quarante minutes. Le geste est significatif : le premier ministre indien n’a pas l’intention de se laisser dicter sa conduite par les Occidentaux.

La Russie est son principal fournisseur d’armes et son ami historique ; l’Inde a besoin de ces armements pour contrer la menace chinoise et pakistanaise. La veille, M. Modi avait ignoré la visite de la ministre britannique des affaires étrangères, Liz Truss, comme celle, les jours précédents des représentants du Japon, de l’Autriche, de la Grèce et du Mexique. Il n’avait pas non plus accordé audience au ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi.

Porteur d’un « message personnel » de Poutine

Sergueï Lavrov, qui effectuait sa première visite officielle à l’étranger depuis le début de la guerre, après un arrêt en Chine, a salué « l’approche équilibrée » de son partenaire indien. « Nous apprécions que l’Inde appréhende cette situation en tenant compte de l’ensemble des faits et pas seulement de manière unilatérale », a-t-il déclaré. Plus tôt dans la journée, il s’était dit porteur d’un « message personnel » de Vladimir Poutine au premier ministre indien.

Une nouvelle fois, Narendra Modi s’est contenté d’appeler à un « arrêt rapide de la violence ». Selon le communiqué officiel, le premier ministre a fait part de la volonté de l’Inde de « contribuer de quelque manière que ce soit aux efforts de paix ». New Delhi s’est régulièrement abstenu de voter à l’ONU les résolutions condamnant la Russie, invitant les parties au dialogue, comme s’il n’y avait pas d’agresseur, pas d’attaque préméditée et non provoquée.

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Sergueï Lavrov n’a pas caché les buts de sa visite : les deux pays cherchent à « contourner les obstacles », c’est-à-dire les sanctions financières occidentales. Ils veulent mettre en place un mécanisme de paiement en monnaies nationales, rouble et roupie, non libellé en dollars, pour permettre à l’Inde l’achat de gros volumes de pétrole russe à prix réduit. « Nous sommes prêts à fournir tout ce que l’Inde veut acheter à la Russie », a assuré M. Lavrov, notamment dans le secteur de la défense.