*Abdou Nguer : la prison du silence, la grève de la dignité*
Je suis sorti de ma visite à Abdou Nguer avec un mélange de respect, de colère et de lucidité. Respect pour l’homme : digne, lucide, reconnaissant envers l’administration pénitentiaire qui le traite avec humanité. Mais en colère face à l’inacceptable : Abdou Nguer est en détention depuis trop longtemps sans avoir été jugé, sans qu’on lui ait clairement dit ce qu’on lui reproche. Pas une ligne, pas une explication, pas une audience.
Abdou a entamé une grève de la faim. Ce n’est pas un caprice. Ce n’est pas un appel à la libération. Il refuse toute liberté provisoire. Ce qu’il réclame, c’est simple, fondamental et non négociable : un procès. Il veut être jugé. Il veut que la justice parle. Car le silence, en matière judiciaire, devient une forme cruelle d’injustice.
Son geste est fort, pacifique, mais bouleversant. Il met notre système face à ses contradictions. Peut-on priver un homme de liberté sans lui dire pourquoi ? Peut-on enfermer sans juger ? Abdou ne s’attaque pas à la justice, mais il la convoque. Avec courage, il rappelle à tous que la justice n’est pas un privilège, c’est un droit. Et qu’un État qui laisse traîner le sort d’un homme sans explication glisse dangereusement vers l’arbitraire.
Il est encore temps de montrer que notre justice peut être grande, humaine et responsable. Ne faisons pas de l’oubli un verdict. Écoutons Abdou, répondons-lui, et prouvons que la justice sénégalaise n’est pas sourde à la souffrance silencieuse des innocents présumés.
*Ameth Ndoye*
